Instants soufis
En marge d’un islam agressif, existe un autre islam de paix, d’humanisme, de spiritualité intègre et non pas intégriste.
Plusieurs ouvrages paraissent qui, par les textes, la philosophie, la poésie, le dialogue, mettent en lumière une spiritualité ouverte. Abdelwahab Meddeb, disparu fin 2014, était un de ces érudits tunisiens nourri de toutes les cultures méditerranéennes, juives, chrétiennes, musulmanes. Il avait signé récemment avec Benjamin Stora, « Histoire des relations entre Juifs et Arabes des origines à nos jours » (Albin Michel). Chaque vendredi sur France Culture il donnait à entendre des éclairages croisés de philosophie et de lettres, dont ces « Instants soufis « (Albin Michel).
Il les plaçait sous le signe de «l’universalité, une vertu cardinale, qui se manifeste dans la reconnaissance de l’autre » .
Bien loin du prosélytisme belliqueux et sectaire, cette halte auprès d’une intériorité mystique accueillante, ouverte sur l’Evangile et le Talmud, pour un rapprochement des esprits, est bienfaisante. D’autant que le soufisme, branche mal aimée de l’Islam, fait du paradoxe un outil de réflexion, et une voie d’accès à Dieu par l’intériorité, le silence. Avec pour éclaireur Abdelwahab Meddeb, grand connaisseur de la poésie vivante, charnelle de Rûmi, des dits d’Ibn’Arabî l’andalou, ou encore de Râbi’a, femme et sage du VIIIème siècle qu’on venait consulter de loin, c’est une invitation qui ne se refuse pas.
Passeur de culture, Abdelwahad Meddeb avait entamé depuis longtemps sa réflexion sur le nécessaire va-et-vient entre tradition et modernité, et avec la "Maladie de l'Islam", paru en 2002, disait ouvrir un "cycle dénonçant le mal qui corrompt la religion où il était né". Cet ouvrage était suivi deux ans plus tard d'un livre de conversations avec Philippe Petit, qui n'a rien perdu de son actualité et dont les événements de janvier 2015 à Paris ont amené la réimpression." Face à l'Islam" est la parole libre d'un homme à la double généalogie, qui ne renonce ni à l'une ni à l'autre, vagabond des Lumières dans un siècle qui, ayant perdu ses repères et ses certitudes, peine à trouver son chemin.
En complément de ces textes, nous avions déjà référencé en 2010 dans ce "blog lectures" un autre ouvrage de Meddeb, "Pari de civilisation"
Plusieurs ouvrages paraissent en même temps sur le soufisme, celui de Cheikh Khaled Bentounès "Vivre l'Islam, le soufisme aujourd’hui » (Albin Michel), qui préface « Un éblouissement sans fin, la poésie dans le soufisme » d’Eric Geoffroy (Seuil), tandis que Tahar Ben Jelloun préface "Le Soufisme", de Thierry Zarcone (Gallimard).