Commémorations du Centenaire obligent, la bande dessinée aussi évoque à sa manière la Première Guerre mondiale. Parmi les nombreuses publications classiques ou modernes, cet album scénarisé par un des plus grands spécialistes de l'histoire du conflit est remarquable à plus d'un titre. Inspiré de faits authentiques, Jean-Yves Le Naour évoque avec beaucoup de précisions une épisode tragique et méconnu du début de la guerre: "le 21 août 1914, les soldats provençaux du XVe corps sont lancés dans la bataille de Lorraine, sans appui d'artillerie. Le camps français est décimé. Pour Joffre, généralissime des armées françaises, cette défaite est catastrophique, car elle ruine ses plans. Afin de se dédouaner, il rejette la faute sur les soldats du Midi, à la mauvaise réputation. Humble combattant provençal, Auguste Odde, comme trois autres soldats, participe à cette affreuse bataille. Blessé au bras, il est soupçonné de lâcheté et risque la peine de mort ..."* Comme dans Ambulance 13 et Les Godillots (séries que nous recommandons vivement aux amateurs du genre), la collection Grand Angle des éditions Bamboo va au-delà de la simple évocation événementielle tant l'analyse politique et même sociologique est approfondie. Pour preuve, un cahier de 8 pages inséré à la fin de l'album permet au lecteur, à travers des documents d'époque, de saisir dans une perspective globale la vérité des soldats fusillés pour l'exemple. * www.angle.fr
Jean-Yves Le Naour; A. Dan, La faute au Midi, Bamboo, Coll. Grand Angle, 2014, 48p.
Tout juste paru, un ouvrage collectif restitue au chien la place qu’il mérite dans l’histoire de la bande dessinée ! Qui n’a jamais ri aux impertinences de Bill, Cubitus, Idéfix, Milou, Pif ou Rantanplan dans leurs propres aventures ou dans celles de leurs trop sages maîtres ? Ces fidèles compagnons assument aussi bien des rôles de figuration que de premier plan. Cette monographie qui leur est dédiée nous invite à relire les aventures des célèbres « Milou, Idéfix et Cie », comme à découvrir des chiens de BD méconnus.
Ce n’est pas tous les jours que des universitaires se penchent sur la bande dessinée, encore moins sur des héros populaires dans tous les sens du terme. L’initiative pour le moins originale a été prise par deux professeurs lyonnais. On connaît Éric Baratay pour son dernier essai (Le Point de vue animal, une autre version de l’histoire, Seuil, 2012) qui s’expose depuis quelques mois dans notre rayon Histoire ; quand à Philippe Delisle, il a déjà consacré plusieurs livres à l’imaginaire colonial et chrétien dans l’histoire de la BD franco-belge. Heureusement, leur nouvel ouvrage ne se destine pas seulement au public spécialisé.
Particulièrement documenté, ce livre jamais ennuyeux intéressera tant les passionnés souhaitant approfondir le sujet que le large public des amateurs de bande dessinée. Son intérêt ne se limite pas au sérieux inhabituellement accordé à des héros populaires. Il faut également saluer l’important travail des éditeurs qui veillent à replacer dans une perspective historienne les chapitres inspirés de points de vue variés (de la génétique animale à l’histoire de l’art !).
Milou, Idéfix et Cie. Le Chien en BD, sous la direction d’Éric Baratay et de Philippe Delisle, Paris : Karthala, collection « Esprit BD », novembre 2012, 301 p.
"Demain, demain" c'est à la fois l'espoir et le désespoir pour ces immigrés qui habitent un bidonville à proximité de Paris. Cette bande dessinée simple et émouvante évoque leur quotidien très dur et leur grande solidarité dans la France des Trente Glorieuses qui avait besoin de main d'oeuvre mais pas les infrastructures pour la loger.
C'est ainsi qu'on fait la connaissance de Kader dont la femme vient juste de le rejoindre au bidonville accompagnée de leurs deux jeunes enfants qui ont quitté la famille et la campagne algérienne. Cruelle désillusion pour Soraya qui pensait revoir son mari dans une belle maison équipée de toutes les facilités. Or, ils vivent dans une "baraque" sans eau, mais qui prend l'eau et qui s'écroule sans que la loi les autorise à "construire", c'est-à-dire juste consolider leurs habitations insalubres. Les habitants du bidonville sont ainsi régulièrement victimes des descentes de police et lorsqu'ils tentent de se reloger dans des habitations normales, ils doivent affronter les cerbères de l'administration française.
Un épisode douloureux et récent de l'histoire de France que Laurent Maffre raconte tout en douceur malgré les humiliations et les violences et qui nous rappelle surtout que nos voisins sont aussi nos frères humains.( A ce propos, il n'est d'ailleurs pas inutile de rappeler que le 17 octobre prochain, ATD Quart monde organise la journée mondiale du refus de la misère en Belgique et dans le monde : http://www.atd-quartmonde.be/17-octobre-la-journee-mondiale-du.html)
Demain, Demain, Laurent Maffre, co-édition Actes Sud BD et Arte Editions