Dès l'enfance, alors qu'il gardait les vaches dans la ferme paternelle, il sut que la vie était au bout du chemin et qu'il devait s'y engager. Ce qu'il fait depuis 94 ans en voyageant dans les textes en compagnie d'Aristote, d'Héraclite, Lao-Tseu, de Montaigne, de Spinoza et de quelques autres.
Et comme eux, remettant sans cesse sur le métier du vivre une métaphysique en mouvement, Marcel Conche interroge, la mort, le temps, le destin, le choix, la nature, l'athéisme, la liberté, le hasard... Il y revient dans cette série de réflexions pour lui-même, et pour nous, avec une intelligence, une vivacité et une détermination sans faille. « Penser encore », sont de passionnants exercices de philosophie, écrits dans une langue simple qui invite à la méditation personnelle, tant ils sont habités par cette quête farouche de la vérité de la réalité. La vérité, en toute chose est son Graal et il la poursuit sans faiblir, et sans démonstration, armé d'une sagesse authentique, sans posture, vécue au quotidien, qui ne craint pas de se confronter à ses propres limites et à celle de la connaissance, aux sciences, à l'amour qui déstabilise. Toutes choses qui ouvrent un champ des possibles et oblige à affiner sa propre vérité, en se gardant des modes, des leurres et des passions funestes.
Marcel Conche : Penser encore, sur Spinoza et autres sujets, Encre Marine, 2015
Deux éléments ont guidé ce livre. D’abord le passé de son auteur, né bulgare dans le bloc soviétique, où toute opinion personnelle ne pouvait être exercée qu’en privé, loin des oreilles du pouvoir. Et ensuite son arrivée en France où il découvre la libre expression et la pensée politique mises en débat.
Profondément humaniste, Tzvetan Todorov s’attache, à travers toute son œuvre, à montrer les formes de résistance individuelle à la barbarie ou à l’intérêt de l’Etat lorsque celui-ci oublie qu’il est au service de l’éthique et du droit universel. « Insoumis » brosse le portrait de ces hommes et de ces femmes (Etty Hillesum, Boris Pasternak, Mandela, Edward Snowden…) qui, faisant partie du système ont un jour dit « non ». Pacifiquement, en exposant leurs vies, ils et elles se sont dressés au nom d’un principe supérieur : l’humanité de l’homme.
Tzvetan Todorov : Insoumis, Editions Laffont
Rassemblées entre autres par Françoise Schwab, éditrice de ses oeuvres posthumes, ces lettres et conférences de Vladimir Jankélévitch (1903-1985) témoignent de la persévérance d'une philosophie qui ne dissociait pas pensée et action, une pensée en tension avec son temps. « Voilà 34 ans que je m'égosille » clamait le métaphysicien doublé d'un moraliste. Frappé de plein fouet par les lois raciales avant même qu'elles ne fussent appliquées sous l'Occupation, il fut banni de la Faculté mais échappa à la déportation.
La question de l'Etre, au centre de sa réflexion, fut là, doublement ébranlée par cette mise au ban de la société « parce que juif » et par le hasard qui le sauva du sort réservé à six millions d'autres Juifs. Cela eut lieu, impossible d'oublier, voire de pardonner. Il ne pardonna jamais. Toute sa vie, il porta cette dette et cette blessure. « Je ressens l'obligation de prolonger en moi les souffrances qui m'ont été épargnées. »
Le philosophe du pur Amour, du Bien « vers lequel il faut se tourner avec l'âme toute entière », sonda l'irrationalité du Mal, interrogea la Mort, le paradoxe de la Morale, l'Irréversible, le Pardon, autant de thèmes qui sont des titres de livres qui interrogent une pensée en mouvement, vigilante, indomptée, souvent véhémente, paradoxale toujours. Ainsi Jankélévitch, qui connaissait admirablement la musique, se détourna après guerre, définitivement de tout ce qui venait d'Allemagne, où il ne remis plus jamais les pieds. Adieu Goethe, Beethoven. A cause d'Heidegger sans doute, que l'intelligentsia française n'eut de cesse de réhabiliter quand Jankélévitch lui, refusa d'oublier que le philosophe allemand soutint le nazisme à la fin des années 30. Jankélévitch lui, s'en tint à ceci « en morale ce qui est fait reste à faire- à faire et à refaire. » Des textes de lutte contre le racisme, la peur de l'Autre, qui affirment avec force que « l'indignation morale est le seul moteur grâce auquel nous passons du constat notionnel à l'effectivité, et du spectacle platonique de l'inégalité au refus insurrectionnel du scandale. »
Vladimir Jankélévitch : L'esprit de résistance, textes inédits, 1943-1983, Albin Michel
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