Rassemblées entre autres par Françoise Schwab, éditrice de ses oeuvres posthumes, ces lettres et conférences de Vladimir Jankélévitch (1903-1985) témoignent de la persévérance d'une philosophie qui ne dissociait pas pensée et action, une pensée en tension avec son temps. « Voilà 34 ans que je m'égosille » clamait le métaphysicien doublé d'un moraliste. Frappé de plein fouet par les lois raciales avant même qu'elles ne fussent appliquées sous l'Occupation, il fut banni de la Faculté mais échappa à la déportation.
La question de l'Etre, au centre de sa réflexion, fut là, doublement ébranlée par cette mise au ban de la société « parce que juif » et par le hasard qui le sauva du sort réservé à six millions d'autres Juifs. Cela eut lieu, impossible d'oublier, voire de pardonner. Il ne pardonna jamais. Toute sa vie, il porta cette dette et cette blessure. « Je ressens l'obligation de prolonger en moi les souffrances qui m'ont été épargnées. »
Le philosophe du pur Amour, du Bien « vers lequel il faut se tourner avec l'âme toute entière », sonda l'irrationalité du Mal, interrogea la Mort, le paradoxe de la Morale, l'Irréversible, le Pardon, autant de thèmes qui sont des titres de livres qui interrogent une pensée en mouvement, vigilante, indomptée, souvent véhémente, paradoxale toujours. Ainsi Jankélévitch, qui connaissait admirablement la musique, se détourna après guerre, définitivement de tout ce qui venait d'Allemagne, où il ne remis plus jamais les pieds. Adieu Goethe, Beethoven. A cause d'Heidegger sans doute, que l'intelligentsia française n'eut de cesse de réhabiliter quand Jankélévitch lui, refusa d'oublier que le philosophe allemand soutint le nazisme à la fin des années 30. Jankélévitch lui, s'en tint à ceci « en morale ce qui est fait reste à faire- à faire et à refaire. » Des textes de lutte contre le racisme, la peur de l'Autre, qui affirment avec force que « l'indignation morale est le seul moteur grâce auquel nous passons du constat notionnel à l'effectivité, et du spectacle platonique de l'inégalité au refus insurrectionnel du scandale. »
Vladimir Jankélévitch : L'esprit de résistance, textes inédits, 1943-1983, Albin Michel
Pour réserver ce livre en format papier
en format numérique