On connaît l’origine de ce livre. Yvon Toussaint, ancien rédacteur en chef du quotidien bruxellois Le Soir, pianotant sur Internet, tombe un jour sur l’évocation d’un homonyme, Yvon Toussaint comme lui, sénateur haïtien assassiné en 1999. L’écrivain, au demeurant toujours journaliste dans l’âme, n’hésite pas. Via New York et Miami, pour y rencontrer la fille et la veuve du sénateur, il embarque pour Haïti. Et commence alors une expérience assez étonnante, où le narrateur entre lui-même dans le récit, personnage d’une enquête qui ne sera pas sans risques. Il est sûr qu’à remuer de vieilles histoires de crime, on dérange, et on le lui fera sentir. Mais aussi parce qu’Haïti est le pays du Vaudou, qui célèbre particulièrement le thème des jumeaux. Il faut accepter ainsi “une fois pour toutes que le vif puisse tout autant saisir le mort que l’inverse“. Phénomène de dédoublement, vertige de l’Yvon Toussaint écrivain (il se tutoie dans le texte, comme pour se mettre à distance), et tout cela fait un livre passionnant et original, dont il ne faut pas négliger la part de fiction (notamment par des personnages hauts en couleur), puisque dans cette histoire, aucune vérité ne peut se dire sans qu’elle soit réécrite par le romancier.
Autre chose encore, de taille. A l’heure où Haïti connaît un drame terrifiant, ce livre fait aussi œuvre de témoignage de cette île lointaine, terre tragique mais fascinante, adossée à un Saint-Domingue que fréquentent tant de touristes innocents, ou inconscients, c’est selon.
Yvon Toussaint : L’assassinat d’Yvon Toussaint, Fayard, 2010, 372p.