C’est en quelque sorte une fable, volontairement naïve, sur l’irrépressible désir de la création et sur la transmission, thèmes récurrents chez Henry Bauchau. Comme le sont l’art et la folie, la peinture et le langage, les mythes et le rêve.
Cela se passe dans un petit port du sud de la France. Florence, malade, au lieu du calme et de l’isolement qu’elle pensait y trouver, rencontre Florian, peintre vieillissant, un peu fou et qu’on dit pyromane. Il n’aime rien tant que de brûler ses dessins et ses tableaux, moments de joie intense, où voir le moment magnifique du choc des couleurs et de la flamme se double du désir de brûler ce monde d’argent. Leur rencontre sera aussi le début de leur thérapie, à travers la réalisation d’une fresque gigantesque que Florian entreprendra, aidé de Florence et d’un petit cercle d’amis. Ce grand œuvre, cet énorme tableau, c’est le Déluge, forme allégorique de la disparition d’un monde et de l’émergence d’un autre. On y retrouve la violence des siècles, l’histoire des hommes et les grands mythes qui les ont fait vivre et penser. La création a cette force, à travers la souffrance souvent, de transfigurer l’humain.
Le monde est dur, le déluge le lave mais le recouvre aussi de boue. Après reviendront des multitudes de petits bonheurs, de bonté, d’amour, de miséricorde équilibrés par les crimes, les guerres, les villes anéanties, les enfants massacrés qui nous accompagnent aussi au fil de l’existence. Tout changera, mais le monde changera-t-il ? Ce sera toujours le monde où le déluge est possible et où l’homme ne peut le combattre qu’en se transformant lui-même.
De la part du vieil homme qu’est aujourd’hui Henry Bauchau (il a 97 ans), quoi de plus clair que cette fable, déjà testamentaire, qui explique toute une vie ? Tout n’est pas en dehors, mais en toi.
Henry Bauchau : Déluge, Actes Sud, 2010, 170p, 18€.