« En vieillissant les hommes pleurent » (Flammarion) de Jean-Luc Seigle rend un bel hommage aux vaincus de toutes les guerres, intimes et militaires.
C'est par le silence qu’il entre dans la vie d’un homme, qui bêche et sarcle son lopin de terre, répare ses horloges, se lave à la cuvette, mange à la table de formica de la cuisine, occupe le temps à défaut d'espace, et meuble par la simplicité de la vie ce qu'elle ne lui donne pas. Jamais une plainte, mais « en vieillissant les hommes pleurent ». Revenu bien nourri de la ferme-prison où l’avaient consignés les Allemands pendant les cinq ans de la guerre pouvait-il se plaindre? Quand s'ouvre le roman nous sommes en 1961, son aîné est parti soldat dans une autre guerre, celle d'Algérie et cela réveille en lui une peur, une honte endormies. Mais ce roman explore aussi les pertes de repères d’un monde rural en plein bouleversement. L’ancien paysan devenu ouvrier souffre des changements auxquels il assiste impuissant. Sensibilité et pudeur mène l'auteur le long de ces vies tacites et blessées, dépossédées d'elle-même par l'histoire et la marche du temps. Romancier et auteur de théâtre, scénariste, notamment pour « Les convoyeurs attendent » de Manu Bonmariage, Jean-Luc Seigle sait composer une scène, et il y en a de bouleversantes.
Jean-Luc Seigle, En vieillissant les hommes pleurent, Flammarion, 2012