Voilà quelqu'un qui ne se contente pas de raconter des histoires mais qui les place toujours, autour de la question du vivre. Qu'est-ce que vivre et qu'est-ce que cela suppose de conflits intérieurs, de désirs, de renoncement, de conscience? Ses derniers livres, « Un Dieu un animal », « Où j'ai laissé mon âme » (pour lequel nous l'avions reçu chez Graffiti), et celui-ci explorent sous des angles divers, puissants, et extrêmes, les thèmes de la fidélité à soi, de la fraternité mais aussi et c'est important, le thème de la barbarie.
Cette fois, la barbarie vient de la vie ordinaire, matérielle, sans autre aspiration que le confort rassurant et routinier, égoïste, qui s'oublie. Pour nous le dire, l'auteur prend pour personnage un étudiant en philo à Paris, qui par paresse, rompt avec ses études pour retourner en Corse, ouvrir un bistrot dans un village de vacances. Et tout ce que le personnage voulait fuir, s'invite à la fête. Les passions humaines s''offrent une tournée générale de ce que l'homme à de pire en lui, l'irresponsabilité, la cupidité, l'humiliation, l'absence d'amour et d'idéal. Et la chute de Rome approche...
Pour Jérôme Ferrari renoncer à penser sa vie, en conscience, est une forme de reddition, d'abandon de poste, de soumission à l'inertie et à l'ignorance. Cette forme de cécité à été la cause de la chute de Rome mise à sac par les Vandales. Rome, la civilisée se croyait à l'abri de la force brute, stupide des Barbares, or c'est eux qui ont gagné. Et si aujourd'hui aussi la barbarie était à nos portes ? Chaque chapitre s'ouvre sur un extrait des sermons d'Augustin avec en clé de voûte, celui-ci : « ce que l'homme fait, l'homme le détruit ». Jérôme Ferrari réussit le tour de force d'écrire un roman philosophique sur notre modernité, un roman puissant, physique, à hauteur de personnages ordinaires.
Camus n'est pas loin...
Ce livre, repéré très tôt par l'équipe de Graffiti, a obtenu le Prix Goncourt 2012.
Jérôme Ferrari : Le sermon sur la chute de Rome, Actes Sud, 2012.