Que peut ressentir, ou vivre, un écrivain africain qui retourne chez lui après vingt ans d'absence, vingt années en Europe et en Amérique, dans un univers qui n'a plus grand-chose à voir avec son milieu d'origine ?
C'est l'expérience intéressante que relate Alain Mabanckou, invité par l'Institut français à Pointe-Noire, cette ville du Congo-Brazzaville en bordure d'océan dont il est originaire. L'Institut français, c'est le "bras culturel" du Ministère français des Affaires étrangères, l'opérateur qui agit en relation étroite avec le réseau culturel français à l'étranger.
Et précisément, un enfant du pays, expatrié depuis longtemps, qui n'est jamais revenu à la mort de ses parents, mais qui revient dans les pas de l'ancienne métropole, ne peut que constater sa différence. Au-delà des retrouvailles avec sa famille, et de l'omniprésence de la mère disparue, au-delà des traces de sa jeunesse, dont le collège, ou le cinéma Rex (où sont tous les cinémas Rex de nos enfances ?), au-delà des personnages dont on comprend qu'ils ont nourri les romans de Mabanckou, au-delà de cette Afrique où les esprits côtoient les réalités de vies souvent difficiles, l'étonnement et l'intérêt de ce livre viennent de cette distance que l'écrivain ne nomme pas, mais qu'il décrit "en creux". Est-il devenu un étranger, un blanc, un "américain" ? Un bel exemple d'acculturation, comme disent les anthropologues.
Un livre, aux dires de l'auteur, qui lui sert de tombeau, ...et de résurrection.
Alain Mabanckou : Lumières de Pointe-Noire, Editions du Seuil, 2013, 287p, €19,50.