Sur les listes des « rosselisables » (sélectionnés pour le Prix Rossel 2014), et déjà récompensé du Prix du Premier roman 2014, Vera mérite en effet d’être distingué. Dans un style à la fois poétique et sonore, traversé par différentes idiomes, ce roman interroge l’appartenance, l’identité, le poids de la langue maternelle dans l’édification d’une personnalité. Vera est fille d’immigrés italiens en Angleterre, dans les années 30. Ses parents parlent mal l’italien, et l’anglais plus mal encore. La petite fille va s’enflammer au verbe de Mussolini et tandis que son père docker rejoint les quais, elle se rêve aux côtés de la phalange entrant en Abyssinie, jusqu’à la désillusion et l’option d’une langue nouvelle, libre, non entachée, qui lui permettra de s’inventer.
Vera est un premier roman. Jean-Pierre Orban est belge et vit entre Bruxelles et Paris.
Jean-Pierre Orban : Vera, Mercure de France, 2014, 250p.
Au retour de Rome, quand j’ai aperçu la silhouette d’Augusto dans l’immense hall de la gare Victoria où il était venu m’accueillir, j’ai eu honte. Le train nous avait ramenés. Je ne peux le dire qu’ainsi. Au sens propre. Ce n’était plus nous qui nous emportions. Qui nous lancions vers l’avant comme à l’aller, les cheveux au vent, penchés par la fenêtre, la poussière me battant le visage, venue, on aurait dit, du sol de l’Éden. Le train nous ramenait. Tels des corps que l’on détachait de la terre offerte. On nous reconduisait dans le pays où nous vivions. Mais c’était quoi la vie ? Et c’était où ?