D’abord grand roman d’aventures, Contrebande raconte les équipées d’une poignée de pêcheurs à bord de La Buena Ventura. L’équipage de cette modeste goélette affronte à la fois les dangers de la mer et le péril, plus redoutable encore, de la crise des années ’30 à Cuba. Impuissants face aux ingérences économiques des États-Unis et du Mexique sur leur gagne pain, ces pêcheurs cubains sont contraints de se convertir à la contrebande. Ils profitent de la légendaire période de la prohibition pour importer frauduleusement du rhum aux USA.
Et voilà que les modestes personnages d’un roman d’aventure classique nous plongent au cœur d’une dépression économique, posent des questions sociales intemporelles, dénoncent la traite des immigrants clandestins vers le continent américain… Autant de réalités – conservant toute leur actualité aujourd’hui – que nous relate un narrateur aussi ambitieux que couard. Finalement, les contradictions de cette âme en pleine construction rendent cet antihéros plutôt attachant.
Loin du roman à thèse, Contrebande reflète son époque à la manière réaliste, dans le style rocambolesque, à la fois poétique et efficace, d’Enrique Serpa. La modernité de ce roman tiendrait donc dans sa profusion de registres de lecture : l’aventure, le réalisme engagé, l’initiation et le lyrisme.
Enrique Serpa : Contrebande, roman traduit de l’espagnol (Cuba) par Claude Fell,présenté par Eduardo Manet, Editions Zulma, 2009