Le monde change, se lamente le vieil Hermann Freytag. Jadis correcteur pour une maison d’édition ayant pignon sur rue dans la capitale autrichienne, quitté il y a un an par sa femme et désormais pensionné, il s’enlise peu à peu sans s’en apercevoir dans une vie sans éclat. Deux évènements viennent bouleverser son quotidien : la rencontre avec l’intrigant Signori, et la demande faite par l’ancien employeur de Freytag de bien vouloir corriger un dernier manuscrit. Et voilà notre « héros » précipité bon gré, mal gré, dans la grande Histoire.
Si le choix, fait par H. B. Nilsson, de faire évoluer en parallèle le personnage de Hermann et l’intrigue politique autour de l’élection d’un nouveau pape, n’est peut-être pas tout à fait judicieux, ce premier roman ne manque pas d’intérêt. L’auteur peint en effet avec talent deux portraits : celui d’un homme et celui d’une époque. L’ancien correcteur est un homme dépassé, qui ne comprend plus le temps dans lequel il vit, pas plus qu’il n’admet que son épouse l’ait quitté. C’est le côté un peu présomptueux du personnage qui nous le rend attachant : il voit une femme, et croit encore pouvoir la séduire ; il pense s’être fait un nouveau compagnon, mais il ne veut pas s’interroger sur les zones d’ombre de celui-ci…
Nilsson parvient aussi à rendre le désabusement devant la modernité, qui s’annonce à grand renfort de bruits et de lumières. Tout va plus vite, trop vite, dit déjà Hermann…
Henrik B. Nilsson : Le faux ami, traduit du suédois par Philippe Bouquet, Grasset, 2010, 567p.