1936. Ignacio Abel, architecte madrilène formé à l’école du Bauhaus à Weimar, quitte l’Espagne, en pleine renommée. Son existence a brusquement basculé, comme celle de tous les Espagnols pris entre les feux de la guerre civile. Né vingt ans après ces évènements tragiques qui ont marqué l’histoire de son pays, et l’Europe entière, Antonio Munoz Molina se penche sur le destin d’un homme à la manière d’un entomologiste. Comme dans « Pereira prétend » de Tabucchi , Ignacio Abel ne voit rien venir, plus préoccupé par l’amour soudain qui vient bouleverser sa vie familiale et compliquer ses déplacements dans la ville, que par la situation politique. Très documenté, ce volumineux ouvrage à doubles hélices brûle des feux de la passion et du vertige absurde de cette guerre civile doublement fratricide. Communistes, anarchistes, républicains se déchirent tandis que la droite nationaliste et l’armée s’organisent. Fourmillant de détails, vibrant, sensible, trop bavard aussi sans doute- avec une volubilité qui évoque le débit des madrilènes !- ce roman nous ramène sous les yeux les photos de Robert Capa et la fièvre de « Pour qui sonne le glas » d’Hemingway.
Antonio Munoz Molina : Dans la grande nuit des temps, traduit de l'espagnol par Philippe Bataillon, Editions du Seuil, 2011, 768p, 23€