Encore une vie incroyable, celle de Micaela Feldman de Etchebéhère, dite Mika, née en Argentine en 1902 de parents juifs immigrés, et décédée à Paris en 1992. Une vie peu commune, qu'Elsa Osorio tire de l'oubli, et restitue dans un roman qui est autre chose qu'une biographie : une reconstitution romanesque, quoique fidèle, d'un engagement dans le siècle comme il pouvait y en avoir à cette époque, proche dans le temps, mais déjà lointaine à l'aune des idées d'aujourd'hui. Engagée dans les mouvements révolutionnaires, proche des communistes, mais détestée des Staliniens, Mika participera, en Argentine, puis à Paris et à Berlin, au mouvement intellectuel bouillonnant de l'avant-guerre. Fuyant le nazisme, elle se retrouvera parmi les partisans du Poum dans la guerre civile d'Espagne, et deviendra "La Capitana", à la tête d'une milice qu'elle dirigera avec charisme, et mènera au feu avec un courage total. Poursuivie par les fascistes et les rouges en même temps, elle quittera l'Europe durant la guerre, pour revenir ensuite à Paris, en éternelle militante.
Elsa Osorio, auteur de l'éblouissant Luz ou le temps sauvage, consacré aux enlèvements d'enfants sous la dictature argentine, n'est pas que l'auteur de ce roman biographique, elle en est aussi un personnage. La vie de Mika l'a accompagnée de longues années avant qu'elle n'en fasse un livre, et c'est tout autant ce compagnonnage qui est la substance de ce livre.
Elsa Osorio : La Capitana, traduit de l'espagnol (Argentine) par François Gaudry, Editions Métailié, Paris 2012, 334p, 20€.