Arno Geiger part avec tendresse à la rencontre de son père, sorte de Roi Lear errant sur la lande de la démence dans un récit fragmenté, comme la mémoire parcellaire de ce père frappé d’Alzheimer. Petites phrases, flash-back, anachronismes, dialogues cocasses parce que les mots perdus se bousculent comiquement, s'inventent, se bricolent quand on n’en sait plus l’usage. Plutôt que de se plaindre, à se voir diminué, le père dit « je ne suis plus qu'un bredin », et l'on entend quelque chose entre breloque, gredin, bon à rien. Et le sourire adoucit un peu la cruauté du sort.
Arno Geiger, auteur autrichien de quarante-quatre ans, couronné pour son précédent roman « Tout va Bien »(Gallimard,2008), par le Deutscher Buchpreis, restitue son passé à ce père, qu'il connait mal. Le fils écrivain consigne, raconte, remonte le temps perdu, avec pudeur, respect, admiration soudaine pour ce père sec et chiche, comme l'étaient ses parents, de rudes paysans avares de sentiments, car habitués à ne pas gaspiller. Un livre sur la perte de la mémoire, certes, mais inoubliable.
Arno Geiger : Le vieux roi en son exil, traduit de l'allemand (Autriche) par Olivier Le Lay, Gallimard, 2012, 192p.