Dans la pure tradition des romans gothiques, Miriam et Ezra Elia ont imaginé un journal à quatre mains, celui retrouvé dans la cage abandonnée de leur hamster neurasthénique. Minuscule, dans la paille, se trouvait le journal intime de sa courte vie. Manger, dormir, faire de la roue, était la question. Cela suffit-il à composer une vie, à justifier la monotonie, la solitude, l’espérance ? On peut varier bien sûr, ce qu’il fait, et décider dans un geste de radicale liberté, de « ne pas faire de roue ». Mais jusqu’à quand ?
Hautement philosophique, merveilleusement dessiné en noir et blanc, ce petit livre en forme de méditation est à ranger de toute urgence, entre Desproges et Schopenhauer. Ne constatait-il pas lui aussi, que la vie est souffrance, et que si la solitude est le gage de la liberté elle l’est aussi de l’ennui ? Ennui trompé par les annotations existentielles, tragicomiques- très comiques- de ce rongeur morose, égotique, qui trompe son aspiration à une existence digne de ce nom, et au libre arbitre, par des occupations grégaires. Faut-il ajouter qu’Edward nous ressemble beaucoup ?
Mirial Elia : Le journal d'Edward, hamster nihiliste : 1990-1990, traduit de l'anglais par Rose labourie, Flammarion, 2013, 96p.