Déroutant, le nouveau roman d’Anna Enquist entre dans le mystère de l’anesthésie, l’endormissement de la douleur physique, et la met en regard de la psychanalyse qui elle, tente d’éveiller la conscience à la souffrance psychique. Fine psychologue elle-même, elle insère ces deux pratiques au sein d’une même famille et en explore les contradictions.
Suzanne est une anesthésiste ultra compétente, plus douée pour le monde des urgences que pour la vie hors de l’hôpital « ce monde dans lequel on n’a pas réponse à tout ». Son frère Drik est psychiatre, tout comme son mari, plus habiles à libérer la parole de leurs patients que la leur. Suzanne est amenée à superviser un jeune interne, qui s’avère être aussi le patient de son frère et le petit ami de sa fille.
Un échiquier qui vole en éclat sous le coup de pulsions non contrôlées, de non-dits, de frustrations mises en sommeil depuis l’enfance. Sous les nombreux aspects cliniques de ce roman, Anna Enquist excelle à donner à entendre les tempétueux silences d’êtres, plus doués pour l’action que pour l’introspection, et qui s’endorment eux-mêmes à coup d’opiacés, de whisky ou de fuite en avant.
Anna Enquist : Les Endormeurs, traduit du néerlandais (Pays-Bas) par Arlette Ounanian, Actes Sud, 2014, 368p, 22,80€