Depuis l'écriture de « Sukkwan Island »,son premier roman traduit en français, David Vann s'extirpe de la violence de sa famille. « Goat Mountain » y revient.
L'enfant qu'il était, transfiguré par ses récits, est tué ou se fait meurtrier, le corps pris dans la glace de l'Alaska paternelle, ou la fournaise californienne, maternelle. Chaque phrase, longue ou brève, est pénétrée de l'urgence à dire, et au plus juste, la tragédie de cette existence, et le miracle d'avoir échappé à son destin.
Dans Goat Mountain, le narrateur revient à une partie de chasse au cerf avec son grand-père, son père, et un ami, et à l'absence de lien qui les relient. La crosse d'un fusil dans la main est tout ce qu'ils partagent. David Vann comprend qu'au-delà de la banalité du mal, et de la folie ordinaire de cette famille emblématique d'une certaine Amérique, résonnent les échos du chaudron primitif dont nous sommes issus. La narration de cette chasse en enfer, hallucinante, terrifiante, a la tenue et la portée d'un chant orphique. Dante n'est pas loin, le Styx étant ici une forêt pleine de serpents et de plantes vénéneuses, avec en écho, la malédiction qui nous poursuit, depuis que Caïn tua son frère. Un roman et un auteur hors norme.
David Vann : Goat Mountain, traduit de l'nglais (Etats-Unis) par Laura Derajinski, Gallmeister, 2014, 256p, 23€.
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