Retrouvé dans les manuscrits sauvés du nazisme et envoyés à Cambridge, cet inédit de Schnitzler est tout à fait emblématique d'une oeuvre brillante que Freud admirait beaucoup, pour cette approche du fantasme et du désir contrarié. Ce court roman de l’auteur de « La Ronde », nous plonge dans la vie des cafés littéraires que fréquentait Schnitzler, avec d’autres grandes plumes. Il met en scène un vieux Monsieur qui jadis commit des poèmes, découverts chez un bouquiniste par un aspirant jeune écrivain. Croyant trouver en cet anonyme du XXème siècle le marche-pied de la gloire, celui-ci lui donne du Cher Maître et le convie à rejoindre son très confidentiel cercle artistique.
Nous sommes dans la Vienne fin de siècle, celle de Klimt, d'Egon Schiele, de Mahler. Il y a là une jeunesse qui trépigne à trouver sa place au sein d'une société bourgeoise qui ne lui en fait aucune. Le vieil homme, qui avait oublié ses poèmes rosit évidemment de plaisir à se voir célébré. Lui, qui a eu une existence de fonctionnaire tranquille, sent soudain monter l'impétueuse nécessité d'être reconnu. Schnitzler écrit-cela alors qu’il est lui-même au début de sa carrière littéraire mais il voit le cynisme, l'égoïsme, la vanité de ceux qui entendent se servir de l'art et non pas le servir. On trouve ici la comédienne ratée, le critique acerbe, l'écrivaillon prétentieux, tous des génies incompris et méprisants. Mais ce ne serait pas Schnitzler si derrière le grotesque il n'y avait ce poignant et légitime besoin d'exister. Et pourtant que nous-dit-il? Par une pirouette finale, qu'il s'adresse peut-être à lui-même, il nous dit peut-être, que le seul vrai talent est celui du vivre lucidement. Là seule, est l’unique, la vraie gloire.
Arthur Schnitzler : Gloire tardive, inédit traduit de l'allemard par Bernard Kreiss, Albin Michel, 2016.
lire une extrait
Ce livre vous intéresse ? Réservez-le ici