Dans le brouillard de la campagne anglaise, notre attention est attirée par une maison dissimulée par de hauts arbres humides. Là, vit un vieil et célèbre écrivain: Thomas Hardy et sa seconde épouse. Il a 84 ans, elle en a quarante de moins. Elle maudit ces arbres qui minent son moral et sa santé. Lui, les adorent et y sent l’aura de présences païennes. L'auteur de Tess d'Uberville est un être libre, son talent secoue le provincialisme conservateur, la religion, les codes sociaux mais il n’ose affronter sa femme. C’est que son registre est moins l’intendance domestique que le lyrisme puissant qui emporte les cœurs et secoue les âmes, y compris la sienne, bouleversée par une jeune comédienne amateur qui interprète Tess. Hasard qui ne le laisse pas indifférent, elle est la fille de la jeune fermière qui inspira son personnage.
Christopher Nicholson n’invente rien, sa biographie romancée entre de plain-pied dans les paradoxes de Thomas Hardiy, chantre de l’émancipation, vivant reclus dans un univers confiné et prudent. Pour nous lecteurs, ce roman-vrai du désir brûlant, est un ravissement complet, tant la finesse du style, le rendu de la nature, et le portrait de la fin de vie de Hardy, entouré de ces deux figures féminines, est subtil.
Trois voix s’expriment ici, celle de l’épouse, celle du poète et celle de la muse. Trois désirs de vivre et trois renoncements. L’épouse est devenue invisible aux yeux de l’écrivain, qui vit passionnément par l’écrit ce que l’âge et le confort conjugal lui interdisent, tandis que l’aspirante comédienne, assiégée par la jalousie de Madame Harding renoncera à une carrière prometteuse. Des passions contrariées qui implosent dans un roman brillant, raffiné et somptueusement écrit.
Christopher Nicholson : Hiver, traduit de l'anglais par Lucien d'Azay, Quai Voltaire, 2016, 304p.
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