Tout est dans le titre et l'on sait déjà à l'entame de la lecture que l'on se plonge dans une oeuvre forte, pudique et juste, d'une maturité rare. David apprend qu'il est atteint d'un cancer du larynx. Lui qui ne parlait déjà pas beaucoup, il décide d'emblée de n'en rien dire à personne. Ni à sa fille de 35 ans, ni à sa jeune compagne, encore moins aux enfants qu'il a eus de cette seconde union. Malgré sa décision d'affronter seul cette épreuve, ces femmes qui l'entourent vont l'accompagner jusqu'au bout. C'est à travers le regard de ses proches et leurs différentes perceptions sur la maladie, son cortège d'angoisses et de non-dits que l'on va désormais suivre David qui continue à vivre chaque petit moment avec les siens, sans renoncer. Le roman graphique tout à l'aquarelle de cette jeune Bruxelloise de 37 ans est un hymne à la vie, d'une intensité étonnante.
Judith Vanistendael, David, les femmes et la mort, Lombard, 2012, 24.95 €.
Dans un ville confrontée à un séisme climatique, la rencontre insolite entre deux êtres : elle est amoureuse des livres, lui cherche la trace de l'écrit dans un monde numérique en perdition. Ils se rencontrent dans les rayonnages d'un bibliothèque, sanctuaire d'une tradition bientôt oubliée puisqu'un boitier électronique remplace le stylo. La menace gronde, les portes se ferment, ils devront y passer la nuit. La narration, originale, se suffit à elle même, tant il y a de soin apporté au fond et à la forme. D'abord racontée à la troisième personne, l'histoire reprend bientôt du seul point de vue du héros. Subtil album onirique composé de scènes presque muettes et d'une délicatesse infinie, "Pages intérieures" ravit l'amateur de roman graphique comme l'amoureux des livres qui sommeille encore un peu en chacun de nous.
Jacky Beneteaud & Stéphane Courvoisier, Pages intérieures, Actes Sud / L'An 2, 2011.
Simon est un dessinateur de bandes dessinées en panne d'inspiration. En panne d'aspiration. Au détour d'un déplacement forcé à Lisbonne, il renoue distraitement avec des racines dont il s'est peu encombré jusque là. Le mariage d'une vague cousine en Bourgogne et quelques jours au Portugal chez un lointain cousin plus tard, le voici qu'il pousse la porte des souvenirs oubliés: une histoire familiale mal connue, l'exil et le déracinement de ceux qui ne sont jamais rentrés au pays, le lent et inexorable effacement des traces de ceux qui sont restés, malgré la mémoire toujours vive des anciens. Pedrosa, déjà très remarqué avec Les coeurs solitaires (éd. Dupuis) et surtout avec Trois Ombres (éd. Delcourt) excelle dans la subtile évocation de ses origines à travers un récit introspectif plein de couleurs et de parfum. Deux cent soixante-cinq pages de bonheurs quotidiens, de péripéties existentielles et de grâce intime font de ce Portugal une oeuvre absolument indispensable.
Cyril Pedrosa, Portugal, Dupuis (Aire Libre), 2011, 35 €