Deux candidats au suicide se retrouvent malencontreusement sous la même poutre, dans la même cabane. De cette scène tragi-comique à la Buster Keaton, le Finlandais Arto Paasilinna compose un de ces récits dont il a le secret. Le cynisme de son humour décapant va de pair avec son indéfectible optimisme. Malgré la débâcle. Ainsi, nos deux suicidaires vont développer une agence de service d’aide aux malheureux qui comme eux veulent en finir. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas mourir devant un beau paysage, après s’être offert un peu de bon temps ? Ils affrètent un bus, direction les falaises de l’océan Arctique, en faisant un crochet par le Portugal – pourquoi se presser ? La virée macabre tourne à la joyeuse excursion, des idylles se nouent, on retarde le grand saut final. Arto Paasilinna décape la société contemporaine avec une causticité critique jubilatoire. Il soigne sa propre amertume par le rire. La solitude, l’indifférence à son prochain, la violence, tout ce qui nous minent la santé sont du petit lait pour lui et du nectar pour ses lecteurs.
A. Paasilinna
Petits suicides entre amis
Folio
Lorsque la servante Maria Rosalia meurt, personne ne la pleure. Surtout pas les fils et filles à papa de la famille qu’elle a fidèlement servi. Pour qui se prenait-elle cette revêche illettrée qui régentait tout ? Et qui voulait des funérailles en grandes pompes ! Elle sera inhumée à la sauvette et à ses frais. Erreur fatale., en Sicile on ne badine pas avec les pactes. Ce premier roman de Simonetta Agnello Hornby, petite-fille de la noblesse sicilienne a fait un tabac. C’est que cette avocate spécialisée dans la défense d’enfants abusés sait ménager le suspens et défendre son personnage (« défaut professionnel », reconnaît-elle). L’Amandière est un tableau mordant de ce qui se cache derrière les volets clos des petites villes de l’île à l’heure de la sieste, l’heure à laquelle la dureté, la sensualité, le brigandage des vauriens et des notables trouvent quelques accommodements.
Agnello Hornby
L’amandière
Points Seuil
Durant ces années sombres qui déferlaient sur l’Europe, les chemins d’innombrables individus en fuite allaient se croiser. Walter Benjamin, célèbre penseur et critique allemand, mais figure de l’intellectuel indécis, tenta lui aussi de fuir en Amérique. Son destin le rattrapa pourtant à la frontière espagnole, et c’est là que le roman met en scène sa rencontre avec Laureano, combattant républicain en sursis. Deux voix qui alternent tout au long du récit, deux parcours opposés dont la rencontre improbable est un moment de grâce dans une époque glacée.
Bruno Arpaia
Liana Levi
Dernière frontière
(juin 2005)