Victor Erofeev est un des chefs de file de la libération des lettres russes. Fils d’apparatchik, rien ne le destinait à la dissidence et pourtant ses écrits sont d’emblée provocateurs et licencieux. « La Belle de Moscou » restera en travers de la gorge des censeurs pour son portrait de la société vue à travers les débordements d’une dame de petite vertu.
« Ce bon Staline », évoque avec ironie ces années septante d’insouciance, d’inconscience (à aucun moment il ne songe au goulag) et de réelles difficultées. D’une certaine manière, il tua le père dévoué à la cause soviétique, exclu par sa faute de ses fonctions diplomatiques, et réduit au chômage. Jamais pourtant celui-ci n’en voudra à son fils. A travers ce tendre hommage au père, Victor Erofeev, porte étendard de la cause underground, interpelle en réalité le bon petit Père des Peuples, « que la littérature russe n’a pas su traiter ».
Victor Erofeev
Ce bon Staline
Albin Michel
Vladimir Makanine est un tout grand format de la littérature russe. Avec une puissance peu commune, sinon chez Tolstoï ou Dostoeivski, il parle de la Russie actuelle à travers la débâcle personnelle de ses personnages. Elevés dans la culture soviétique, collectiviste, ils ont bien du mal à s’intégrer dans l’ultra individualisme en vogue. Surtout s’ils ont la tare d’être intelligents et sensibles, soit perpétuellement en porte-à-faux avec l’idéologie, quelle qu’elle soit.
« Le Prisonnier du Caucase » est une nouvelle magistrale sur la défaite de la beauté face à la laideur. Touché par la grâce de son jeune ennemi, le conscrit russe tuera nénamoins son prisonnier dans une sorte de lassitude atavique. « La lettre A », «l’antileader » et « Une bonne histoire d’amour », renouvellent le genre réaliste en insufflant dans ces destinées contrariées, un tragi-comique solidaire et magique.
Vladimir Makanine a reçu le Booker Prize russe et est publié en français chez Gallimard.
Vladimir Makanine
Le Prisonnier du Caucase et autres nouvelles
Gallimard
Eté 1941, trois adolescents de la grande bourgeoisie italienne passent leurs dernières vacances insouciantes à Venise avant que la guerre ne défasse leurs destins. Dans ce style qui est le sien, comme par contraste Rosetta Loy dévide avec douceur les fils de vies taillées pour les grands formats de l’amour et de l’existence, brutalement contrariés. Trois jeunes gens mûris trop vite, emportés dans les remous de l’histoire d’une Italie déchirée par le fascisme pour un roman plein de charme avec pourtant un air de déjà lu.
Rosetta Loy
Noir est l’arbre…
Albin Michel