Ce mardi 22 janvier 2012, et alors que paraissent chez Actes Sud, trois ouvrages de et autour d’Henry Bauchau, aurait été le centième anniversaire de celui qui était le doyen de nos lettres. «Chemin sous la neige» est le second volume de ses mémoires, réunies sous le titre L’Enfant rieur. L’enfant rieur qu’il aurait été si l’incendie de Louvain, le guerre de 14-18, les déboires familiaux n’avaient présidé à sa naissance.
«Le Chemin sous la neige» démarre en 1940 et se termine en 1954, avec sa première publication. Il revient sur son combat intérieur, avec l’ombre, avec l’ange, et rend compte de sa vie privée autant que de son activité au sein des Volontaires du travail, convaincu qu’il était alors de servir le Roi et la patrie occupée en mettant au travail des jeunes gens, pour les soustraire au Service du Travail Obligatoire en Allemagne. Mal vu autant de la Résistance que des rexistes, Henry Bauchau finira par rejoindre la Résistance en 1943. Il revient sur ces années-là avec plus d’amertume que d’examen critique, pour ce qui apparaît au lecteur d’aujourd’hui, comme une complaisance aveugle, à l’égard de la collaboration, fût-elle passive. Sa lucidité à l’égard de lui-même se porte essentiellement sur le travail psychique et créateur remarquable qu’il a mené jusqu’au bout, à travers ses pièces, poèmes, journaux, et bien sûr romans, avec un courage, une profondeur et un talent qu’il doit, au départ, à Blanche Reverchon, traductrice de Freud, psychanalyste et épouse de Pierre-Jean Jouve. Il rend hommage dans «Blanche et Pierre» à celle qui l’a mise sur le chemin de l’inconscient et du mythe, en l’incitant à écrire. Enfin, Myriam Watthee-Delmotte, qui dirige le Fond Henry Bauchau à Louvain-la-neuve, publie une biographie littéraire, «Henry Bauchau, sous l’éclat de la Sibylle.»
Par ailleurs, le Musée de Mariemont présente jusqu’eu 24 février, « L’épreuve du temps » présente des peintures, dessins, sculptures d’Henry Bauchau, entourées d’œuvres d’autres artistes que son œuvre à inspirés.
Sophie Creuz
Voici trois livres, regardez-les bien. Trois livres de la rentrée littéraire dont on parlera. Trois livres très différents. Le roman de Mathias Enard commente en quelque sorte l'actualité des printemps arabes et des révoltes des indignés. Jérôme Ferrari écrit un roman éblouissant sur la précarité des civilisations. Et comme le dit son éditeur, David Van Reyboeck livre un essai total sur le Congo, écrit comme un roman. Un livre enfin traduit du néerlandais ! Par un hasard heureux ces trois livres sont publiés par un même éditeur, Actes Sud, qui effectue une rentrée étonnante de qualité, avec également un Laurent Gaudé, qui publie un de ses meilleurs livres.
Mais il y a bien d'autres découvertes à faire. La presse vous
I first met met Neal not longer after my father died. Pour les lecteurs de Kerouac, cette phrase et son bégaiement, la première de son vrai faux roman "Sur la route", marque le début d'une aventure assez inoubliable quand on s'y laisse prendre : la traversée de l'Amérique, sur la route, à fond de train, sous le signe de l'amitié fraternelle avec Neal Cassady.
Cassady, le vrai héros de l'histoire... C'est lui qui deviendra l'emblème de ce qu'on appellera plus tard la Beat Generation, qu'à son insu mais par son talent Kerouac mythifie, et dans laquelle, par la suite, il ne se retrouvera pas. Cassady brûle la vie par les deux bouts, il fume, il boit, il court les filles, et... il roule, il roule. Cette longue errance à deux, Kerouac tente de la mettre par écrit, et c'est Cassady encore qui l'inspirera, en l'incitant à se lancer dans la technique des Surréalistes de la prose spontanée. Et après de multiples tentatives, commencées dès 1947, c'est quatre ans plus tard, en 1951 qu'il entrera réellement dans la phase de l'écriture, en trois semaines, 125.000 mots sur un seul rouleau de 36,50 mètres, 15 heures par jour, "sous l'emprise du café,..., 6000 mots par jour, 13.000 le premier, 15.000 le dernier", dans une fièvre d'écriture qui ne permet pas de découper le texte en chapitres, bien qu'aux dires de Kerouac il contienne cinq parties, et qui donne près de 400 pages en un seul paragraphe, qu'on lit avec le même rythme, celui de la route et du bebop que ce passionné de jazz avait assimilé, et que la traduction française, admirable, n'a pas perdu .
Ce n'est pourtant pas ce texte qui sera publié lorsqu'enfin Kerouac aura trouvé un éditeur, en 1957. Jugé trop long, trop peu convenable, il sera expurgé des passages les plus sulfureux et considérablement raccourci. Il n'en contribuera pas moins à faire de Kerouac cet écrivain mythique traduit dans le monde entier. Car écrivain il l'est vraiment, et Sur la route est aussi le symbole de sa recherche en écriture, longue, tourmentée, peut-être inachevée.
Il le dit lui-même : Sur la route, que j'ai constamment en tête, est l'histoire de deux gars qui vont en stop en Californie, à la recherche de quelque-chose qu'ils ne trouvent pas réellement, qui se perdent eux-mêmes en cours de route, et qui font le chemin inverse dans l'espérance d'autre chose.
En 2007, le rouleau tapuscrit original fur ressorti de l'oubli et l'éditeur Viking décida de le publier. Trois ans plus tard, en 1010, la version française sortait chez Gallimard. Et en 2012, la version poche, en Folio.
C'est donc ce livre, et le film que Walter Salles lui consacre, qui remet Sur la route dans l'actualité littéraire. Et cette actualité s'accompagne de quelques pépites qu'on veut recommander aux amateurs, car elles éclairent l'oeuvre, le personnage, et ce fameux mouvement Beat dont Kerouac ne se revendiquait pas, on l'a dit.
D'abord, le premier roman de Jack Kerouac et de William Burroughs, écrit à deux mains Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines (Gallimard), qui s'inspire d'une histoire vraie, le meurtre d'un de leurs amis par un autre, et qui conduisit d'ailleurs Kerouac en prison quelques mois pour avoir caché le meurtrier. C'est un peu la matrice des oeuvres de ces deux futurs grands écrivains.
Kerouac et la Beat Generation, de Jean-François Duval (PUF), composé quant à lui de longs entretiens avec des proches de Kerouac, amis ou femmes de sa vie, Ginsberg, Carolyn Cassady, Timothy Leary, Ken Kesey..., éclaire de façon intéressante l'épopée de cette génération de l'après-guerre qui préfigurait ce vaste mouvement de l'Amérique rebelle.
Et enfin, citons le remarquable catalogue de l'exposition Sur la route, d'après Jack Kérouac. Un homme - un livre - un film - L'odyssée d'un mythe au Musée des lettres et des manuscrits à Paris, où est exposé le rouleau original. Regards éclairés et passionnants, donc, sur l'homme, le livre, le film.