L'historien italien de l'économie (1922-2000), mondialement reconnu, a mis à profit ce qui fit sa renommée - sa méthode analytique et sa curiosité intellectuelle- au service d'un domaine en perpétuellement renouvellement, largement insondable, inépuisable et mû par des forces aussi complexes qu'imprévisibles: la stupidité humaine. Carlo Maria Cipolla s'est penché sur le sujet, avec le même sérieux qu'il le faisait pour ses travaux sur les comportements et les habitudes culturelles de notre civilisation moderne. Y ajoutant une compétence qui ne s'acquiert dans aucune université : l'humour, pour établir avec rigueur- c’est cela qui est drôle-, la typologie et la fréquence du…crétin. Délicieusement pince-sans rire et vengeur.
Carlo Mario Cipolla :Les lois fondamentales de la stupidité humaine, PUF, 2012.
Vertu de l'inutilité ! Quand elle rime avec curiosité paresseuse, sédimentation heureuse d'amitié, de lectures savantes et de temps délicieusement et prétendument perdu. Fin sinologue, critique d'art, traducteur, essayiste et romancier, Simon Leys a de grandes passions, aux nombres desquelles la mer, la littérature et la peinture chinoise, mais aussi quelques écrivains occidentaux qu'il a longuement fréquenté. Ce recueil rassemble des articles et des conférences sur des auteurs qui ont tenté de vivre malgré leur époque, en restant eux-même, c'est-à-dire lucides et intègres. Des écrivains qui maniaient l'ironie et l'indignation mais aussi l'allégeance à la vie, et qui à l'égal de George Orwell cultivaient « le dégoût des toutes les nauséabondes orthodoxies qui se disputent notre âme » et n'oubliaient pas d'aller regarder pousser la rhubarbe au jardin. Comme eux, Simon Leys se méfie de ceux qui, par la force veulent faire le bonheur de l'Humanité, sans lui demander son avis.
On y retrouve son propre tempérament à résister à l'arbitraire et à la bêtise avec ténacité, feu ou humour. Des traits qu'il a trouvé chez les grands lettrés chinois et qu'il retrouve chez G.K. Chesterton l'auteur anglais du XIXème, Joseph Conrad, Orwell, Le Prince de Ligne, Henri Michaux, ou même la philosophe Simone Weil.
Simon Leys : Le Studio de l’inutilité, Flammarion, 2012, 304p, €20.
Pas un ouvrage de circonstances de plus, que ce "Malheur d'être Grec". Le livre, grand succès en Grèce, est en effet paru pour la première fois là-bas en 1975 ; lu aujourd'hui, il prend une teinte particulière supplémentaire.
En 193 aphorismes (ou courts paragraphes), Nikos Dimou, grec lui-même, se propose en effet de décrire le tempérament de ses semblables et se révèle, dans son entreprise, lucide et acide, en même temps que drôle. En témoigne cette phrase placée en exergue du texte : "Certains Grecs se posent des questions sur eux-mêmes, et d'autres pas. Les réflexions qui suivent concernent plutôt les seconds. Elles sont pourtant dédiées aux premiers." Ou encore, aphorisme 22 : "Un Grec fait tout ce qu'il peut pour augmenter l'écart entre désir et réalité". Alors que chacun de nous, habituellement, cherche plutôt à atteindre l'objectif contraire...
Mais le Grec est excessif, paresseux et superbe, écrit Dimou. Quelles qu'en puissent être les conséquences...
Nikos Dimou : Du malheur d'être grec, Payot, 2012, 11,20 euros
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