De plus en plus, Pascal Quignard se retire, en une solitude vibrante de silence, loin de la rumeur, de l’argutie, de la joute ; une fuite en dedans, monacale, avec « l’aporie comme séjour ». Aveu d’une mise au vert, ou au blanc virginal, que cette suspension du jugement, du rejet, de la classification, du top 50 qui entrave notre approche dès avant l’ouverture. Parole évangélique d’un impie qui a fait des Anciens son port d’attache et pense en latin la modernité. Pascal Quignard nourrit un dialogue fécond avec les morts, entendez Spinoza, Montaigne, et tout autre qui a fait voeu de quitter la communauté pour être au plus près de l’homme. Le lecteur pioche avec profit dans ces pensées calmes, somptueusement écrites, d’un homme qui ne juge plus rien mais invite à laver en soi et hors de soi l’acerbe, le négatif qui exclut. Et par les temps qui courent…
Pascal Quignard : Critique du jugement, Galilée, 2015, 264p.
Les temps ne sont pas à l'angélisme. Plus que jamais il est nécessaire de repérer ce qui nous permet de vivre ensemble, les valeurs de tolérance, de respect de l'autre, et la capacité de partager un espace commun sans lui imposer ses propres opinions. Sans oublier en ces moments tragiques, l'humour. En somme, ce qu'on pourrait décrire sous le terme de laïcité, et que nous pensons être un des enjeux capitaux de nos sociétés aujourd'hui.
Mais qu'est-ce que la laïcité ? On sait que d'un pays à l'autre, d'une société à l'autre, les sens divergent. Et vivons-nous vraiment dans un état laïque ?
Pour en savoir plus, rien de tel que le débat suscité par les livres, et en l'occurence le dernier livre de Jean-Philippe Schreiber "La Belgique, Etat laïque... ou presque" publé aux Editions Espace de libertés. Car la Belgique est constitutionnellement un Etat laïque, érigé tel quel par ses pères fondateurs, les constituants de 1831, désireux de séparer rigoureusement le politique du religieux. Mais la réalité est un peu différente, dit Schreiber. Les cultes sont subventionnés, les réseaux scolaires sont dédoublés, et l'Etat s'entoure encore parfois de symboles religieux. Faut-il abroger tout cela, comme le pense l'auteur, afin de séparer l'Etat de toute conception théologique ?
L'actualité du livre, et l'actualité tout court, nous incitent à en débattre prochainement chez Graffiti.
Jean-Philippe Schreiber : La Belgique, Etat laïque... ou presque, Espace de libertés, 2014, 152p, 12 euros.
Passionné de grammaire, collectionneur maniaque de manuels de linguistique – il en possède 1186 dans 878 langues-, l'historien Jean-Pierre Minaudier compose un traité aussi hilarant qu'érudit. Alors que certains cherchent encore les premiers mots échangés par Adam et Eve, ou se lancent des anathèmes pour asseoir la suprématie de l'indo-européen, et des peuples y afférant, sur toutes les autres langues, certains musardent, se délectent, se félicitent de leur stupéfiante diversité. Ainsi est l'auteur de cet essai buissonnier, qui cartographie les sonorités modulables des consonnes, se berce du chant aérien des voyelles, de l'absence ou de la répétition de sujet dans des idiomes improbables parlés uniquement « dans le cul d'un ours », ( l'équivalent estonien de notre Houtsiplou). Qui eût cru qu'un essai de sémantique eût pu être aussi passionnant et primesautier ?
Jean-Pierre Minautier : Poésie du gérondif, Le Tripode, 2014, 160p.
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