«On n’écrit que pour soi. On prétend dialoguer mais tout n’est que soliloque.» Ainsi pourrait-on résumer la trame du dernier opus de Philippe Besson qui reprend la formule du roman épistolaire pour dire le désarroi d’une femme abandonnée. Pour échapper à l’absence et à tout ce qui la ramène au manque, Louise s’en va. La Havane, New York, Venise, l’Orient-Express: de chacun de ces ailleurs, elle écrit de longues lettres à celui qui l’a laissée inerte et dévastée pour dire sa vie sans lui, évoquer les souvenirs heureux, les tempêtes silencieuses, tenter de comprendre le désamour et accepter la trahison, sans jamais de réponse en retour. Au fil du temps et des voyages, la mémoire se libère, les larmes s’assèchent et le coeur s’allège. Comme son héroïne, l’auteur de « En l’absence des hommes » et de « L’arrière-saison » cisèle le détail, ausculte les passions et trouve les mots justes.
Philippe Besson, Se résoudre aux adieux, Editions Julliard
Un critique a dit « Un roman de Richard Millet, ça ne résume pas. Ca s’écoute ». C’est étonnamment vrai. Ouvrir ce livre, comme apparemment tous les livres de Millet, c’est entrer dans la musique d’une écriture presque parfaite. C’est un style ciselé, un ton, un rythme, une drogue peut-être. L’histoire pourtant n’est pas glorieuse. Elle parle de province, des profondeurs du Limousin où vit l’auteur. C’est l’histoire d’une jeune femme, déjà vieille fille, qui s’engage dans un amour dévorant et sans issue pour le nouvel instituteur, moins jeune encore puisqu’il s’agit d’un écrivain aguerri mais revenu de tout, et notamment de l’écriture. Etrange paradoxe de la part d’un auteur dont l’ouvre ne semble pas se tarir, mais au contraire tracer son sillon, un peu en marge, mais pas trop, des fracas de la rentrée littéraire. A noter aussi que Richard Millet, éditeur chez Gallimard, a été un des relecteurs des Bienveillantes de Jonathan Littell.
Richard Millet
Dévorations
Gallimard
A rebours, Nancy Huston remonte la ligne de faille d’une famille; de Sol le petit-fils américain, Rambo de six ans, à Erra son arrière-grand-mère d’origine ukrainienne. En quatre volets, nous les découvrons tous à l’âge de six ans, dans des pays, des langues, des histoires différentes. Pourtant, de l’un à l’autre, des traces persistent, une tache de naissance qui réapparait à chaque génération, un talent particulier né par-dessus la blessure d’enfance reçue à l’âge tendre.
Prodigieusement agencée, d’une sensibilité extrême, ce roman interroge le monde comme il va, d’aujourd’hui à hier, à travers des parcours intimes.
Nancy Huston
Lignes de failles
Actes Sud
Femina