Trop rares sont les livres drôles pour passer celui-ci sous silence. Lancé comme une révélation par son éditeur, ce premier roman de Romain Puertolas, est d'une fraîcheur et d'un humour potache tout à fait réjouissant. Sous un titre impossible, il raconte d'un ton enlevé les tribulations d'un Indien à travers le monde. Ce voyage en armoire, est nettement plus proche du fakir de Pierre Dac et de Francis Blanche- on peut le dire- que du Passepartout de Jules Verne.
De France en Angleterre, des prisons libyennes aux hôtels de luxe de Venise, Romain Puertolas promène son Indien au nom imprononçable- quelque chose comme Kisifrotsipik- avec décomplexion et une vraie complicité avec le lecteur, voire une poésie, qui aborde aussi des sujets douloureux. On ne vous parle pas du sommier à clous Ikea qu'il comptait acheter, - 15 000 vis à visser soi-même-, mais des émigrés clandestins que ce sans papiers Indien côtoie. Et quand on sait que l'auteur de ce livre inattendu travaille à la police des frontières, cela le rend encore plus sympathique. Des personnages hauts en couleurs, une invention langagière cocasse, des péripéties qui ne traînent pas en chemin et un esprit allègre qui vous feront passer un bon moment.
Romain Puértolas : L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté dans une armoire Ikea, Le Dilettante, 2013, 253p, 19€
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La poésie est au coeur de ce beau livre qui, une nouvelle fois, parle du peuple d'Haïti, pour en montrer avec empathie et finesse, l'humanité et la fragilité.
Pour le dire, Lyonel Trouillot s'est inspiré de la courte vie d'un jeune comédien haïtien, Karl Marcel Casséus qui, en 1997, alors que le succès advenait enfin, se jetait du douxième étage d'un immeuble à Paris. Il ne raconte pas sa vie. Il s'en inspire pour créer un personnage qui porte en lui toutes les failles du poète, doutant de lui-même et de ses propres poèmes, et clamant à travers les rues de Port-au-Prince les mots des autres, Baudelaire, Eluard, Phelps, Pessoa... Et tant d'autres.
Il s'appellait Pablo, il avait quitté son milieu plutôt bourgeois, pour s'installer avec deux amis de rencontre dans le quartier de Saint-Antoine, et partager avec eux un modeste logis "aux allures de bateau-ivre", et une vie de poète des rues.
Après sa mort, c'est l'un de ses amis qui prend la parole pour, dans une longue adresse au disparu, tenter de combler la faille et parler d'amour, dans la simplicité du don, dit-il.
Faut-il encore préciser que la langue de Lyonel Trouillot est riche du métissage propre à la francophonie ?
Lyonel Trouillot : Parabole du failli, roman, Actes-Sud, 2013, 189p.
Laurent Seksik, dont nous avions beaucoup aimé Les derniers jours de Stephan Zweig il y a deux ans, revient sur le destin tragique du second fils d'Albert Einstein, Eduard qui fut interné à l'âge de vingt ans et qui mourra trente-cinq ans plus tard à l'hôpital psychiatrique de Zurich, abandonné de tous. Inspiré de faits authentiques et très bien documenté, l'auteur nous livre un roman polyphonique qui permet d'entrer très pudiquement dans l'intimité d'un jeune homme tourmenté, victime autant de la maladie qui le laissera sans répit sa vie durant que de la personnalité écrasante d'un père absent qui fut un des plus grands génies du XXe siècle. Ayant quitté la Suisse pour Berlin où la gloire l'attendait, Albert Einstein dont Seksik révèle une part d'ombre certaine, n'assumera jamais celui qui voulait devenir psychanalyste et que sa mère aimante se résoudra, la mort dans l'âme, à faire interner. A l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933, il rendra une dernière visite à son fils juste avant de partir pour les Etats-Unis. Il ne reviendra pas en Suisse et ne le reverra jamais. Le génie a aussi ses faiblesses. Parce qu'il reste humain sans doute ...
Laurent Seksik, Le cas Eduard Einstein, Flammarion, 2013, 19,00 €.