L’Atomium inspire à Jonathan Coe un roman d’espionnage aussi charmant , léger, que désuet, tout à fait dans l’esprit de la fin de ces années cinquante qui vantaient les arts électroménagers et l’universalisme du modèle occidental.
Thomas Foley, fringant jeune employé du Ministère de l’Information quitte Londres pour superviser le Pavillon britannique à l’Expo 58. Son physique avantageux et sa candeur vont l’embarquer dans une mésaventure amoureuse avec une jolie flamande et, à son insu, dans les arcanes des services secrets russes et américains. Péripéties beaucoup plus enivrantes que la vie petite-bourgeoise qu’il mène dans sa banlieue anglaise.
Le lecteur belge lui, se replonge avec plaisir dans le décor en toc, parfois avant-gardiste et audacieux de l’Expo Universelle en s’étonnant toutefois que, sous la plume de Jonathan Coe, - invité il est vrai en résidence d’écriture par Het Beschrijf -, Bruxelles semble être une ville unilingue, entendez flamande… Une nouvelle guerre froide en perspective ?
Jonathan Coe : Expo 58, traduit de l'anglais par Josée Kamoun, Gallimard, 2014, 328p, 22€.
Ron Rash est de ces auteurs qui ne s'embarassent pas de littérature, et qui en compose une superbe. La puissance des éléments naturels et l'impuissance des êtres, se répondent avec maestria. Le Bien et le Mal sont au coeur de ses récits, imprégnés, parfois de la grandeur, et souvent, de la bêtise humaine. En 1916, en pleine Guerre Mondiale, elle était partout, jusqu'au fin de fond d'une sombre vallée de Caroline du Nord. Là survivent sous l'opprobre, un frère revenu du front, estropié, et sa soeur soupçonnée de sorcellerie par les gens du bourg, parce qu'elle porte une tache de vin. Ils ont à peine vingt ans. Un jour de solitude comme les autres, la jeune femme entend un air de flûte traversière... Soudain, la beauté, le mystère, l'amour entrent dans sa vie pour le meilleur et pour le pire. Ron Rash a le sens des images et une maîtrise narrative redoutable qui mêle à la fois, la poésie de la vie dans ce qu'elle a de plus beau, à la noirceur des âmes profondes comme un puits.
Ron Rash : Une terre d'ombre, traduit de l'américain par Isabelle Reinharez, Seuil, 2014, 252p, 20€.
Ce livre vous intéresse ?
Réservez-le ici
Un roman intelligent et captivant, par un des meilleurs (à nos yeux) écrivains anglais, histoire d'amour, roman d'espionnage, et en même temps livre qui parle de littérature.
Back to the early seventies..., en ces années difficiles pour la Grande-Bretagne, marquées par les grandes grèves des mineurs, la crise de l'énergie (on avait un moment instauré la semaine de trois jours !), l'instabilité gouvernementale, l'intensité du conflit en Irlande du Nord, et... la guerre froide. On a un peu oublié cela aujourd'hui, mais cette guerre froide était aussi une guerre des idées, avec l'objectif de séduire une intelligentsia qui penchait trop souvent à gauche, en lui apportant, sous couvert de fondations privées, des moyens d'existence provenant en réalité de fonds secrets. Sweet tooth, amateurs de sucreries, ou de douceurs, succombent...
C'est une histoire de ce type que nous raconte Ian McEwan, avec Serena, jeune intellectuelle fraîchement issue de l'Université du Sussex, recrutée par le MI5 (les services secrets), et chargée d'entrer en contact avec un un jeune et brillant auteur, Tom Haley, avec pour but de l'amener à défendre les valeurs du monde occidental. Les choses ne se passeront évidemment pas tout à fait comme prévu. C'était oublier la fascination pour la littérature, qui ne s'en laisse pas conter et reste libre, à l'image de ces textes écrits par Haley, et qui sont d'ailleurs une des clefs du roman. C'était aussi oublier le sentiment amoureux, qui supporte difficilement la trahison.
Extrêmement bien mené, ce roman, vaguement nostalgique pour ceux qui ont connu l'Angleterre de l'époque, est aussi un miroir où se reflète l'entrée en littérature du jeune McEwan. Un écrivain qui a fait du chemin d'ailleurs. Pour preuve la fin du livre, mise en abîme d'un récit qui impose un retour à la case départ. Ceux qui liront comprendront.
Ian McEwan : Opération sweet tooth, traduit (très bien) de l'anglais par France Camus-Pichon, Gallimard, 2014, 440p.
Ce livre vous intéresse ? Réservez-le ici