Un sale jour, Alice est passée de l'autre côté d'elle-même. Par-dessous sa robe légère, elle a senti une petite boule suspecte. Visa pour le pays du cancer. Lapin et blouses blanches, énigmatiques alambics, couperet menaçant de la Reine de coeur entraîne Alice dans un abominable qu'elle décide de rendre merveilleux.
Lydia Flem déploie ici un charme, une féminité, une roublardise ludique, un duel à fleuret léger avec tout ce qui menace, retranche, angoisse.
Au fil du récit, turbans, larmes, cartes à jouer, rires, sortent du chapeau de ce roman malicieux et pudique.
Tout ce charme a mis en joue la maladie, qui s'est inclinée en disant bravo.
Lydia Flem : La Reine Alice, Editions du Seuil, Librairie du XXIe siècle.
Dès l'entame du livre, on sent qu'on n'en sortira pas indemne. L'histoire ... Le deuil d'un père, insupportable, indicible. Quand la vie s'arrête, le miracle banal et quotidien fait place à un champs de ruines, un vide absolu qui écrase les plus infimes certitudes. Avec la douleur de l'absence vient la culpabilité. Celle de n'avoir pas été à la hauteur, de ne s'être pas consacré à l'essentiel, d'avoir laissé la place à la médiocrité, d'avoir imposé une autorité bancale à un enfant qu'on a oublié de regarder grandir. Comme si passer de l'autre côté de la vie rendait la vérité inévitable. Au-delà d'une émotion crue et intense, Nicolas Fargues, avec une totale liberté et sans tabou ni souci du "socialement" correct, tranche dans le vif de questions fondamentales: quel rapport peut-on, aujourd'hui, encore avoir aux autres, que transmet-on à ses enfants, comment vit-on avec eux, comment les aime-t-on ..?
Nicolas Fargues, Tu verras, P.O.L., 2011, 15.50 €.
Délicieux, est le premier mot qui nous vient pour évoquer le nouveau d'Armel Job. C'est qu'à son habitude, l'auteur excelle à glisser sous le charme des portraits du terroir, les grandes interrogations de l'existence et les dessous de l'histoire. Le quincailler de Mormédy à tout pour être heureux, un commerce prospère, une épouse ravissante et dévouée, de la considération et de la bonhomie. Pourtant, ce 4 août 1968, un souvenir douloureux menace sa journée, et voilà qu'en plus une lettre anonyme, aux accents bibliques, sème le doute sur la fidélité de sa femme. Dans la routine d'une vie douillette, Armel Job introduit une malicieuse interrogation sur le bien et mal, le bonheur et le malheur, les affres de l'amour et un étrange rituel juif, ces eaux amères, accommodées ici à la soupe au céleri dominicale. Un régal ! Du moins le roman, car le potage lui est gâché.
Armel Job : Les eaux amères, Robert Laffont