Ce texte est sans nul doute le plus personnel et le plus émouvant que l’auteur de Un territoire fragile nous ai livré à ce jour puisqu’il s’agit du livre du père, et singulièrement de la mort tragique du père. Et pourtant, disons le d’emblée, Fottorino évite brillamment tous les poncifs et le pathos inhérent a ce type d’exercice, il le fait sans tricherie, avec beaucoup de sincérité, de pudeur et d’évidence. C’est là moins un livre de deuil qu’un livre d’apprivoisement de l’absence, d’apprentissage de la douleur puisque “de la mort on ne se console jamais”. Le récit est un poignant hymne à l’amour filial d’autant plus fort que l’auteur fut adopté par cet “autre” aimant, mais peu importe, tout est une question de choix. Eric Fottorino, en faisant de son père un héros de littérature, le rend magnifiquement à l’éternité.
Eric Fottorino, L’homme qui m’aimait tout bas, Gallimard, 2009.
Voilà le genre de petit livre qu’à peine refermé on s’empresse d’offrir. Nous sommes au Japon, au coeur d’une famille japonaise aimante, soudée, dont est pourtant absent le père. Disparu en captivité, il a été englouti par l’Histoire, sauf pour son épouse qui, confiante, l’attend toujours quarante après. Un jour, un ami du fils aîné lui dit, j’ai vu ton père… Ecrit en français par une jeune japonaise talentueuse vivant à Montréal, ce récit se déploie comme le fruit du zakuro, la grenade, arrive à maturité, tout en douceur alors même qu’il relate une tragédie. Une merveille de finesse, de pudeur, d’émotion contenue qui ne nous quittera plus.
Aki Shimazaki : Zakuro, Actes Sud, 2009.
Parc Monceau, deux enfants jouent, ils ont trois ans et d’emblée un pacte se lie entre eux. Désormais se sera à la vie à la mort. “Le premier qui passe de l’autre côté fait signe à l’autre”. Les enfants grandissent, partagent une passion pour la BD, le cinéma, le Père Lachaise, les filles. Quelque chose est là pourtant, dès le début, qui sème le doute dans cette amitié sans tache. Sans tache ? Les coups de canif au contrat auraient dû être insignifiants, si… Philippe Grimbert sonde en mode majeur, les failles et dérapages mineurs. Avec la patience du psychanalyste, il met en lumière, par petites touches, le trouble adolescent, les blessures, la solitude de garçons brillants, sensibles, montés en graine dans des appartements parisiens trop grands, trop vides. Un roman bouleversant, sobre, juste, qui à à coup sûr deviendra un classique.
Philippe Grimbert : La mauvaise rencontre, Grasset, 2009, 213p.