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Le discours de la tombe de l’idiotCertaines œuvres prennent du temps à germer et grimper la chaîne du temps et de l’espace qui leur permet de faire cohabiter le possible avec l’impossible, l’imaginaire et le réel. Enfin, de faire de la littérature, avec tout ce que cet art porte de contradictions en lui, à la fois fouillis taillé de références, épure de fresques humaines intarissables, drames communs auxquels le style et la langue donnent une vie nouvelle, inquiétante. Ce sont ces livres qui donnent envie de lire, et offrent au critique la chance de sentir qu’il fait autre chose que de juger de la couleur des saucisses.“(Maxime Cattelier)
Le Discours sur la tombe de l’idiot est une de ces œuvres ! Tout commence comme un roman policier, mais on connait les coupables : le maire d’un village paisible et son adjoint tuent l’idiot du village et le jettent dans un puits. Un climat malsain s’installe dans le village et le soupçon se dirige vers un ouvrier saisonnier : “l’étranger”. Le propos de ce récit s’attache à la force de la culpabilité, de la rumeur, du soupçon, et est mené de main de maître ; sa fin énigmatique permet au lecteur de rester habité par le village de l’idiot!

Julie Mazzieri : Le discours de la tombe de l’idiot, José Corti, 2008, 246p, 17€

Nous autresLe premier roman de Audeguy, La Théorie des nuages, était déjà une belle lecture. Les personnages de ce texte passaient en effet la plupart de leur temps la tête en l’air, essayant d’ordonner les éléments météorologiques, avant qu’un voyage surprenant ne les détourne de leur tâche initiale. Et au bout pas de théorie mais une découverte surprenante…
Nous autres propose un autre voyage, africain cette fois, dans lequel le personnage principal se trouve entraîné malgré lui. Ce dernier ignore tout de l’Afrique, et c’est donc à une découverte du continent que le lecteur est convié. Afrique d’aujourd’hui, mais aussi Afrique d’hier à travers ces « autres » qui sont les vrais narrateurs du récit. Les autres sont tous ceux qui ont disparu, les ancêtres, ceux qui ont construit la voie de chemin de fer le long de laquelle se déploie le texte. Et quel texte ! Les chapitres, quelques pages le plus souvent, succèdent aux chapitres tant on est pris par la poésie de l’écriture, et par le regard plein de chaleur qu’Audeguy pose sur ses protagonistes.
Il faut lire Nous autres.

Stéphane Audeguy : Nous autres, Gallimard, 17,50 euros

D’autres vies que la mienneCe n’est pas un roman. Le narrateur est l’auteur, Emmanuel Carrère. Témoin, en peu de temps, de deux disparitions, une petite Juliette lors du tsunami au Sri Lanka, et une autre Juliette, sa belle-sœur, morte d’un cancer à 33 ans. Deux événements terrifiants, la mort d’une enfant, la mort d’une jeune femme. Emmanuel Carrère est écrivain, il est connu, entre autres, pour ses livres basés sur le “réel”, L’adversaire qui racontait la vie de Jean-Claude Romand, Un roman russe qui dévoilait une histoire familiale. C’est à ce titre qu’il lui est demandé, par leurs proches, d’écrire la vie et la mort de ces deux êtres qui par hasard portent le même prénom, Juliette. L’une est une fillette morte en pleine innocence. L’autre est une femme adulte, épouse, mère de trois petits enfants, juge d’instance au tribunal de Vienne. Et rescapée d’un premier cancer, comme son collègue Etienne, très présent tout au long du livre. Tous deux ils auront été “de grands juges”.
Ce n’est pas un roman. Mais ce n’est pas un simple récit de vies. C’est de la littérature à l’état pur, qui parle de vie, de mort, d’amour, de compassion, avec un titre superbe et explicite, qui nous rappelle d’aimer ceux qui nous entourent, d’autres vies que les nôtres. Un livre sur l’humanité qui nous habite, avec son lot de tristesse à pleurer, mais aussi, comme l’a dit Jérôme Garcin dans Le Nouvel Observateur, “un livre sur le bonheur arraché au désespoir”. Un livre magnifique.

Emmanuel Carrère : D’autres vies que la mienne, Editions P.O.L, 309p, €19,50.