Louis le narrateur revient à Brest après plusieurs années d’absence, avec dans sa valise un roman familial dans lequel il ne déguise rien de ceux qu’il n’a pas choisis, comme si la fiction pouvait mettre à jour une réalité trop longtemps silencieuse. Tanguy Viel tisse avec brio les fils d’une histoire faite d’hypocrisies à peine voilées et de hontes tues: un père éclaboussé par un scandale financier, une mère peu aimante qui tente par tous les moyens de sauver les apparences, l’exil et la déchéance, l’héritage miraculeux de la grand-mère au soir de sa vie, sans oublier le fils Kermeur, un copain d’enfance dont la fréquentation fera vaciller ce fragile agencement. Un roman gigogne à la maîtrise narrative saisissante par l’un des auteurs les plus doués de sa génération.
Tanguy Viel, Paris-Brest, Editions de Minuit, 2009.
Comment rester debout face à l’absence ? Pour ne pas sombrer davantage, Paul Anderen, le héros du sixième roman d’Olivier Adam (« Je vais bien ne t’en fais pas »), quitte la banlieue parisienne et s’installe à Saint-Malo, sa ville natale, avec ses deux enfants Manon et Clément . Sa femme Sarah a disparu il y a un an, sans un mot d’explication. Nul ne sait ce qu’elle est devenue, ni même si elle est encore en vie. Pour tenter de faire face à cette absence abyssale, Paul revient sur les lieux de son enfance.
Avec un sens aigu du romanesque, Adam touche au plus juste. Ses personnages, écorchés par la vie, se reconnaissent sans se juger. Ces êtres au bord de la rupture se rapprochent, se serrent et s’étreignent pour s’insuffler un peu de chaleur ou d’amour. Ils sont comme ces maisons de bords de mer, serrées les unes contre les autres, « poussées à l’eau par le pays tout entier, suspendues juste ¬¬au-dessus, en lisière, marginales et fragiles, menacées mais debout ». L’émotion est à fleur de pages tout au long de ce roman solaire et l’on ne peut être que bouleversé par la force du lien qui unit ce père et ses enfants.
Olivier Adam : Des vents contraires“, L’Olivier, 2009, 255p.
Une plongée romanesque dans la ville de Kinshasa, où l’on sait que la vie n’est pas un long fleuve tranquille… Comme tous ses compatriotes, le jeune Célio lutte chaque jour pour survivre dans une cité en proie à la pauvreté, au chômage et à la corruption. Mais il en faut plus pour éteindre la flamme des habitants de ce pays, et il y a bien des manières de contourner le tragique, à commencer par l’humour. et le regard décalé de ceux qui cherchent un peu d’empathie avec un monde si déréglé. Pour Célio, c’est un vieux manuel de mathématiques qui sert de viatique, en même temps que de clé pour sortir de toute situation embrouillée. Et c’est ainsi qu’il sera un jour repéré par un sbire du régime, et embarqué dans les coups fumeux du Bureau Informations et Plans, dont il sortira pourtant indemne, et grandi.
C’est un nouveau roman magnifique, issu de la francophonie, qui parle simplement des gens et, malgré les difficultés, de leur joie de vivre et de leur solidarité. Comme toute fiction intelligente, il met des mots sur le réel, et en l’occurrence, sur une certaine Afrique.
In Koli Jean Bofane a obtenu pour ce livre le Prix Jean Muno 2008.
Il a été l’invité de Graffiti le 26 octobre 2008.